Centre de recherche du Centre hospitalier de l’Université de Montréal
Un essai clinique tentera de modifier le microbiote pour combattre le mélanome avancé
Par La Presse Canadienne
Deux chercheurs du Centre de recherche du Centre hospitalier de l’Université de Montréal dirigeront au cours des prochains mois un essai clinique randomisé qui utilisera la transplantation de microbiote fécal pour améliorer l’efficacité des traitements du mélanome avancé, a-t-on annoncé mercredi.
Des recherches antérieures ont démontré que la greffe fécale ― à savoir, l’utilisation de capsules de selles de donneurs sains ― est sécuritaire et efficace pour influencer le microbiote intestinal d’un patient et rendre plus efficace l'immunothérapie utilisée pour attaquer la maladie.
«On sait qu'on est capables d'augmenter l'efficacité de l'immunothérapie par la greffe fécale, a dit un des co-investigateurs principaux de cette étude, le docteur Bertrand Routy. Ce qu'on ne comprend pas encore, c'est comment ça fonctionne et (...) la compatibilité entre les bactéries.»
Éventuellement, a ajouté l'investigatrice principale de l'étude, la docteure Arielle Elkrief, on espère qu'une analyse du microbiote intestinal des patients fera partie courante des soins prodigués aux patients, de la même manière qu'on séquence actuellement leur tumeur afin de leur offrir le meilleur traitement possible.
«Maintenant il faut aussi séquencer les selles, a-t-elle dit. Comme ça, on va avoir la réponse dès le début, on va savoir si on va être capable de prédire la réponse à l'immunothérapie selon la présence des bonnes bactéries ou de mauvaises bactéries.»
Au total, ce sont douze chercheurs et près de 130 patients atteints de mélanome avancé, et provenant de partout au pays, qui participeront à cette étude.
Ces patients sont habituellement traités par ce qu'on appelle une «immunothérapie par inhibition des points de contrôle immunitaires». Même si cette approche joue un rôle important, plus de la moitié des patients verront leur maladie évoluer et en mourront.
La moitié des patients atteints d'un cancer recevront une forme ou un autre d'immunothérapie, mais entre 40 % et 60 % d'entre eux n'y répondront pas, a dit la docteure Elkrief. Cela pourrait notamment être dû à la présence, ou à l'absence, de certaines bactéries dans leur intestin.
Les chercheurs disposent déjà d'une liste des bonnes et des mauvaises bactéries, a dit le docteur Routy. Mais il est difficile en clinique, a-t-il confié, de comprendre le ratio requis de bonnes et de mauvaises bactéries.
«La deuxième limitation c'est d'avoir les résultats très rapidement parce que les techniques de séquençage actuel, ça prend de six à neuf mois pour avoir les résultats», a-t-il indiqué.
Heureusement, de nouvelles techniques qui devraient permettre de raccourcir considérablement ces délais sont en voie de développement. Il sera alors possible d'ajuster le microbiote intestinal du patient afin de maximiser l'efficacité de l'immunothérapie.
Si les résultats de cet essai clinique de phase II sont probants, on devrait ensuite procéder à un essai de phase III dans l'espoir que la greffe fécale associée à l’immunothérapie devienne éventuellement la nouvelle norme de soins face à un mélanome avancé.
«Ça pourrait changer la prise en charge des patients, a dit la docteure Elkrief. Et les connaissances que nous allons acquérir pourraient s'appliquer à d'autres cancers, comme le poumon ou le rein.»
Cet essai clinique sera financé à hauteur de 3,7 millions $ par la Société canadienne du cancer, la Fondation de la famille Weston et les Instituts de recherche en santé du Canada. Il sera supervisé par le Groupe canadien des essais sur le cancer.
On estime que 11 300 Canadiens recevront un diagnostic de mélanome en 2024.
Jean-Benoit Legault, La Presse Canadienne
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