Des règles du CRTC pourraient aggraver le conflit commercial avec les États-Unis
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Par La Presse Canadienne, 2024
OTTAWA — Des groupes représentant des entreprises américaines et de grandes entreprises technologiques avertissent le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) que ses efforts pour moderniser les règles sur le contenu canadien pourraient aggraver les relations commerciales avec les États-Unis.
Ils affirment que les mesures du CRTC visant à mettre en œuvre la Loi sur la diffusion continue en ligne, qui a mis à jour les lois sur la radiodiffusion pour englober les plateformes en ligne, pourraient entraîner des représailles de la part des États-Unis.
«Ce n’est pas le moment pour le Canada d’inviter la nouvelle administration à prendre des mesures de rétorsion sur des questions commerciales», a déclaré la Chambre de commerce des États-Unis.
Ces avertissements, qui figurent dans des documents déposés dans le cadre d’une procédure du CRTC sur une nouvelle définition du contenu canadien, surviennent alors que le président américain Donald Trump menace d’imposer des droits de douane de 25 % sur les importations en provenance du Canada, possiblement dès le 1er février.
La Chambre de commerce des États-Unis a pris pour cible une décision antérieure du CRTC en vertu de la Loi sur la diffusion continue en ligne, qui exige que les grandes sociétés de diffusion en continu étrangères contribuent financièrement à la création de contenu canadien. Les plateformes contestent cette décision devant la Cour fédérale.
La Chambre a affirmé que la Loi sur la diffusion continue en ligne s'ajoute aux «frictions commerciales croissantes» et est susceptible de déclencher des représailles en vertu de l'Accord Canada-États-Unis-Mexique (ACEUM).
Le National Foreign Trade Council, dont le conseil d'administration inclut Google, Meta et Amazon, a soutenu que le plan de modernisation réglementaire du CRTC pourrait contrevenir au pacte commercial de l'ACEUM.
Il a indiqué que, bien que l'ACEUM prévoie une exemption pour les industries culturelles canadiennes, l'accord permet aux États-Unis de réagir avec des mesures qui auraient un effet commercial équivalent.
«Il est essentiel que le CRTC évite ces conséquences imprévues qui pourraient entraîner des représailles, en particulier compte tenu de l'objectif de la nouvelle administration de s'attaquer aux pratiques commerciales déloyales», a déclaré le conseil.
De nombreux groupes ont fait valoir dans leurs observations devant le CRTC que les entreprises étrangères devraient pouvoir détenir la propriété intellectuelle des programmes qui sont considérés comme du contenu canadien.
«Empêcher les entreprises en ligne étrangères de détenir la propriété intellectuelle des programmes canadiens entraînera des budgets plus petits, moins d'emplois et, par extension, moins de contenu exportable», a écrit le National Foreign Trade Council.
Selon la Chambre de commerce des États-Unis, «les résultats de cette consultation devraient reconnaître qu’il n’est pas nécessaire d’être Canadien pour raconter efficacement des histoires canadiennes».
La Chambre de commerce des États-Unis a affirmé que «l’industrie de la diffusion en continu est profondément préoccupée par l’impact négatif potentiel sur l’investissement dans le secteur créatif canadien».
Elle a fait valoir que les investissements étrangers soutiennent près de 60 % des «revenus versés aux travailleurs créatifs canadiens».
L'Information Technology Industry Council, qui représente également de grandes entreprises technologiques américaines, a dit que la nouvelle définition du contenu canadien du CRTC devrait «faciliter un environnement favorable à l’investissement qui permet aux entreprises de prendre des décisions en fonction de ce que les consommateurs veulent, plutôt que de ce qui est nécessaire pour satisfaire aux exigences réglementaires».
Le CRTC a publié une position préliminaire suggérant de conserver une version du système de points qui est utilisé depuis longtemps pour déterminer si un contenu est considéré comme canadien, qui prend en compte le type de contrôle financier et créatif d'une production détenu par des Canadiens.
Dans son avis de consultation, l’organisme de réglementation a noté que la définition actuelle ne comporte aucune «exigence expresse» sur les droits de propriété intellectuelle. Amazon a suggéré une «approche modernisée dans laquelle la conservation des droits de propriété intellectuelle dans le programme est appliquée» et a demandé des commentaires sur ce à quoi ce modèle pourrait ressembler.
Dans sa réponse à la procédure, Paramount a soutenu qu'exiger «un contrôle financier canadien constituerait un obstacle majeur à la production de programmes canadiens à grande échelle que les Canadiens, et encore moins les publics internationaux, veulent voir».
Amazon a fait valoir qu'un «cadre inflexible» dans lequel le contrôle financier ou créatif, la propriété intellectuelle ou des postes créatifs spécifiques doivent être détenus par des Canadiens dissuaderait les diffuseurs étrangers de dépenser pour des productions canadiennes, ce qui à son tour «priverait les Canadiens des programmes de grande qualité et à grande échelle rendus possibles uniquement par l'échelle et la portée offertes par les entreprises en ligne étrangères».
Anja Karadeglija, La Presse Canadienne