La menace des tarifs douaniers impacte la santé mentale de travailleurs québécois
Par La Presse Canadienne
La menace des tarifs douaniers de 25 % du président américain Donald Trump fait planer une incertitude pour plusieurs industries canadiennes et québécoises. Devant cette guerre économique qui s'annonce, le niveau de stress monte chez les travailleurs des industries concernées, ce qui met à mal leur santé mentale.
Au Québec, les secteurs du bois d'œuvre et de l'aluminium risquent d'être touchés par les tarifs douaniers si le président Trump va de l'avant avec sa menace. Selon des syndicats qui représentent ces travailleurs, une anxiété face à une perte d'emploi se fait sentir chez ces derniers.
Unifor est le plus grand syndicat du secteur privé au Canada, représentant 320 000 travailleurs dans tous les grands secteurs de l’économie. Au Québec seulement, il compte 55 000 membres notamment dans l'aluminium, l'aérospatiale, les pièces automobiles et la foresterie.
Le directeur québécois d’Unifor, Daniel Cloutier, a indiqué que la menace des tarifs crée une pression sur les travailleurs et leur famille. «Je ne dirais pas que c'est 100 % de nos membres, mais il y en a beaucoup. Les jeunes familles, ceux qui sont dans une région qui dépend d'une ou deux industries dans leur ville ou leur village... c'est clair que ça génère beaucoup d'inquiétude, de questionnements, de peur et tout ça affecte la santé mentale», explique-t-il.
«On estime que parmi nos membres, il y a 60 % qui peuvent être affectés directement ou indirectement par la hausse de tarifs américains», ajoute-t-il. M. Cloutier a aussi constaté une «augmentation significative» des appels de détresse et d'inquiétude chez leurs membres.
«Il y a des endroits où on sait, notamment au niveau des pièces automobiles, qui vont rapatrier des productions aux États-Unis parce qu'ils ont peur des tarifs. Donc, ça génère énormément d'incertitude, ça génère des craintes assez réelles de possibles pertes d'emplois», souligne M. Cloutier.
Il estime que la menace des tarifs américains vient s'ajouter aux difficultés préexistantes pour les travailleurs, comme l'inflation et la hausse des loyers.
Julie Hébert, coordonnatrice de la santé, la sécurité et l'environnement au syndicat des Métallos, abonde dans le même sens. Elle mentionne que les travailleurs ont déjà été confrontés aux défis de la pandémie et des exigences imposées avec la reprise, à l'inflation et plus récemment, à un ralentissement économique dans certaines industries. «C'est certain que les tarifs ça vient un petit peu se rajouter à ce contexte-là des cinq dernières années», indique Mme Hébert.
«C'est quand même un cycle économique assez spectaculaire qu'on a vu, poursuit-elle. Tout ça mis ensemble c'est sûr que ça cause un stress. On le voit un petit peu avec le ralentissement économique, il y a certains membres qui ont peur d'une perte d'emploi.»
Le syndicat des Métallos est un syndicat nord-américain qui représente 60 000 travailleurs au Québec, dont des milliers dans l'industrie de l'aluminium, l'acier, la fabrication manufacturière et les coupes et transformations du bois.
Les Métallos font par ailleurs partie d'un nouveau Conseil commercial Canada-États-Unis pour essayer de trouver des solutions de part et d'autre de la frontière.
Les producteurs forestiers aussi affectés
Au Québec, 21 % de l'approvisionnement de l'industrie forestière en bois rond provient des 134 000 propriétaires forestiers, le reste provient majoritairement de la forêt publique québécoise.
Ces propriétaires forestiers sont des gens qui ont acquis un lot boisé et qui vont faire de la récolte de bois à temps plein ou à temps partiel pour approvisionner l'industrie forestière. Pour la majorité d'entre eux, la vente de bois est un revenu secondaire, mais pour d'autres, il s'agit de leur principal gagne-pain.
Lorsqu'ils vendent leur bois à l'industrie forestière, les producteurs acheminent les arbres à une scierie, une usine de pâte et papier ou une usine de panneau au Québec ou ailleurs au Canada, explique Vincent Miville, directeur général de la Fédération des producteurs forestiers du Québec (FPFQ). «Le coût d'achat des billots c'est souvent le coût le plus important d'une scierie qui va faire transformer cela en bois d'œuvre», dit-il.
Lorsqu'il parle aux gens de l'industrie, il constate que le stress est bien présent face aux possibles tarifs douaniers. En plus des producteurs, les travailleurs dans les usines, les sous-traitants et les transporteurs de bois seraient tous affectés par une hausse des tarifs.
«Un producteur forestier qui s'engage à réaliser des coupes ou de la récolte, ça représente des milliers voire plusieurs dizaines de milliers de dollars de revenu, mais également de dépenses pour réaliser les coupes», explique M. Miville.
«C'est sûr que quand on entend Donald Trump s'évertuer sur la place publique en disant qu'il va imposer des tarifs sur pratiquement l'ensemble des biens et produits faits au Canada et expédiés aux États-Unis, l'industrie forestière qui est intimement liée avec son plus grand client américain est fortement préoccupée par ça, et ça préoccupe également les propriétaires forestiers et les producteurs de bois de toute évidence», fait valoir le directeur de la FPFQ.
Il nuance toutefois que l'industrie du bois vit depuis des décennies l'impact de tarifs douaniers. «Donc, on a une relation de connaissance de cause avec ce qui arrive avec les tarifs», indique M. Miville.
Tout de même, les producteurs sont inquiets, dit-il. «Chaque fois qu'il y a des tarifs supplémentaires, ça diminue la compétitivité de l'industrie forestière canadienne, et par conséquent, la capacité des producteurs à vendre du bois rond à cette industrie forestière. Ça mine les opportunités et oui, ça peut provoquer un certain désarroi ou stress.»
Le gouvernement se veut rassurant
Cette semaine, le premier ministre François Legault a tenté de rassurer les travailleurs québécois qui pourraient être touchés par une guerre commerciale avec les États-Unis.
En point de presse mercredi à Saint-Sauveur, il a répété qu'il voulait protéger les Québécois pour qu'ils soient le moins impactés possible par la menace de M. Trump.
«Il faut se préparer à comment on peut aider les entreprises, a déclaré M. Legault. Actuellement, même s'il n'y a pas de tarifs avant six mois, déjà, il y a des impacts malheureusement sur les investissements des entreprises au Canada.»
Il a reconnu que des tarifs douaniers de 25 % auraient un impact majeur sur l'économie du Québec. «Il faut garder la tête froide, a tranché M. Legault. Il faut être capable de se dire: comment on se sort de ça, comment on remplace les emplois perdus, comment on réplique aux Américains.»
Le directeur québécois d’Unifor comprend que les promesses du gouvernement «aident à passer la tempête», mais il s'inquiète de la forme que prendra l'aide aux travailleurs. «Ça créé aussi de l'incertitude parce qu'on ne sait pas de ce qu'on parle comme aide», dit-il. M. Cloutier souhaite que le premier ministre pense à dédommager directement les travailleurs, pas seulement les entreprises.
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Katrine Desautels, La Presse Canadienne
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